LE JEU VIDÉO, FUTUR PROXY DE L’ENSEIGNEMENT

Le grand malentendu

Si pendant des années le jeu vidéo a été décrié pour sa soi-disant capacité à encourager les comportements violents chez le jeune public, le 10ème art n’a que trop rarement été plébiscité pour ses vertus éducatives. Pire : le jeu vidéo aurait même un impact négatif sur le taux de chômage des plus jeunes si l’on en croit cet article publié par 4 économistes en 2017.

Pourtant, cette étude établissant un lien direct entre la popularité du jeu vidéo et le déclin des jeunes actifs, ne présente qu’une vision fragmentaire de ce que l’industrie permet à ce jour en tant que médium d’apprentissage, d’émancipation, de développement, et de partage. Les études récentes invalident même les certitudes prônées il y a quelques années à peine concernant le rôle « néfaste » du jeu vidéo dans le développement des enfants et des jeunes adultes. Nous allons, dans cet article, déconstruire les apriori pouvant encore subsister autour du jeu vidéo et voir en quoi ce dernier est en phase de devenir un allié majeur des institutions publiques d’enseignement.

Aux origines de l’incompréhension

Pour comprendre l’origine de cette perception erronée du jeu vidéo par certaines grandes instances et figures d’autorités, il faut se pencher vers un autre phénomène de pop culture sociétal qui avait beaucoup divisé le grand public au milieu du XXème siècle : le boom des comics books.

En 1954 le psychiatre Fredric Wertham publiait Seduction of the innocent, un livre appuyant l’idée que les comic books (alors en vogue aux États-Unis) étaient nocifs pour la jeunesse, voire une importante cause de délinquance juvénile. Si le comic book fait aujourd’hui partie intégrante du paysage de la culture populaire de par ses adaptations cinématographiques, Seduction of the innocent avait eu un certain succès à sa sortie, ce qui avait poussé le récemment crée sous-comité sénatoriale des États-Unis sur la délinquance juvénile à se saisir du livre comme base pour prouver la dangerosité des comics à un grand public. Dans un monde post seconde guerre mondiale où le retour aux bonnes mœurs était mis en avant pour éviter à la nouvelle génération de replonger dans les affres de la guerre, ce comité était très regardant sur les produits culturels mis à la disposition de la jeunesse. Cette surveillance accrue a donc eu deux effets majeurs sur le monde du comic book :

1) Une forte autocensure de la part de l’industrie pour éviter un boycott massif de ses publications, en créant le CCA (pour Comic Code Authority). Ce dernier se réunissait et devait déterminer si les « bonnes conditions » étaient alors réunies pour que le comic soit publié. Si oui, ce dernier recevait le sceau du CCA et était ensuite en vente libre, mais les éditeurs refusant de faire des compromissions quant au contenu de leurs comics (et qui donc n’avaient pas le sceau du CCA) se voyaient purement et simplement interdits de ventes en kiosques, ce qui aboutissait souvent à la mort des comics en question.

2) Une surenchère de la part de l’Amérique conservatrice qui en dépit du CCA, voyait désormais d’un mauvais œil les comic books, signes de dépravation pour la jeunesse qu’il fallait désormais absolument éviter à ces derniers.

Les comic books, qui familiarisaient les classes populaires ou enfants non-scolarisés à la narration, l’orthographe, et aux arts visuels, étaient maintenant des indésirables aux yeux de l’opinion publique et Il faudra attendre le milieu des années 80 (et surtout le début des années 2000) pour que les comics books regagnent leurs lettres de noblesse, après plusieurs décennies de traversée du désert. L’intérêt de ce parallèle entre le jeu vidéo et l’univers des comics ? Il se trouve qu’en 2010, les sources utilisées par le docteur Wertham pour son livre ont été rendues publiques et il s’est avéré que plusieurs des données avaient été en fait exagérées, manipulées, non contextualisées, voire même falsifiées pour appuyer ses propos. Loin de nous l’idée d’affirmer que le jeu vidéo ne devrait faire l’objet d’aucun audit ni que sa pratique excessive est exempt de tout risque (c’est d’ailleurs pour cela que les normes PEGI existent aujourd’hui) mais affirmer que le médium est seul responsable de la péréclitation de la jeunesse relève de l’affabulation. Ainsi, si The Economist jugeait que les jeux vidéo pouvaient êtres responsables de bien des maux en 2017, l’OMS recommandera fortement la pratique du jeu vidéo en 2020 pour les bienfaits que ce dernier procure à la sphère mentale.

Seduction of the innocent – Fredric Wertham 1954.

Une nouvelle façon d’apprendre

Si l’on vient d’évoquer plus haut les recommandations de l’OMS, c’est parce qu’une enquête menée pendant la pandémie de COVID-19 en 2020 a révélé que plus de 36% des enseignants au Royaume-uni, et près de 46% aux États-Unis se sont heurtés à la difficulté de faire participer correctement les enfants par le biais de l’enseignement à distance et des ressources en ligne. Les jeux vidéo ont donc commencé à être envisagés comme moyen de rétention par le corps enseignant qui y voyait soudainement une force motrice positive pouvant aider les étudiants à rester concentrés. Il est d’ailleurs prouvé que les jeux interactifs (comprenez les jeux où le joueur à une influence directe sur l’intrigue et le monde qui l’entoure) sont plus attrayants pour la majorité des jeunes joueurs. Ajoutez à ces jeux la possibilité d’être faits à plusieurs, comblant le manque de socialisation qu’enduraient les étudiants et écoliers en pleine pandémie et vous comprendrez pourquoi les jeux en ligne ont actuellement le vent en poupe dans les discussions autour de leur implémentation dans l’enseignement public.

Cette conviction profonde, que les jeux jouent un rôle essentiel dans l’éducation n’est pas négligée par les créateurs de jeux, qui adaptent de plus en plus leurs formats afin que ces derniers puissent être distribués au plus grand nombre. C’est ainsi que le succès mondial de Minecraft a fait naître plusieurs déclinaisons du soft, y compris une version spécialement dédiée aux salles de classes nommée Minecraft Education. Un jeu dans lequel l’avatar du joueur peut interagir avec des grandes figures de l’histoire ayant positivement impacté la société par des luttes pacifiques, ou encore des prises de consciences face à certaines injustices. On peut par exemple converser avec Ghandi, ou encore en apprendre plus sur les conditions d’accès à l’enseignement pour les femmes au Pakistan. Il y est également question de sensibilisation sur les questions écologiques, énergétiques, ou encore urbaines dans des cours spécialement conçus pour être digestes par un jeune auditoire parfois hermétique à ce genre de sujets. Une belle façon d’utiliser le jeu vidéo comme vecteur d’apprentissage.

Minecraft Education EditionMicrosoft

Cela étant dit, le potentiel éducatif des jeux vidéo ne réside pas seulement dans la déclinaison de jeux connus, mais également dans l‘avènement de la 5G et de la nouvelle génération de jeux mobiles qui en découlera. Si la tendance actuelle est à la combinaison entre les expériences physiques et les expériences en ligne, la croissance conjointe de la 5G et du cloud gaming uniformisera l’accès aux expériences vidéoludique à but éducatif.

Ainsi, qu’il soit en ligne ou sur mobile, l’avènement du jeu vidéo dans les sphères d’apprentissage permettra à la fois d’alléger la charge de travail des enseignants devant s’assurer que les élèves soient engagés et motivés, mais aussi de créer un nouveau rapport à l’éducation et à l’assimilation de connaissances.

La « Gam(e) »ification de l’enseignement


L’appropriation de l’interactivité comme élément clé d’apprentissage sera d’une importance capitale pour impliquer les générations futures dans un monde où la rétention de l’attention est un enjeu majeur. L’excellent livre La civilisation du poisson rouge : petit traité sur le marché de l’attention de Bruno Patino dresse en effet un constat effrayant sur notre inaptitude grandissante à concentrer notre attention sur un élément donné, dans un monde où les algorithmes sont façonnés pour tirer au mieux notre temps d’attention en constante réduction (8 secondes environ, soit inférieur à celui du poisson rouge, rien que ça).

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Oui, on parle bien de ce poisson rouge dans l’aquarium de votre dentiste

Face à ce bilan alarmant, le jeu vidéo qui, contrairement à un fil d’actualité, dispose d’un cadre défini et maitrisé pour y plonger physiquement l’avatar du joueur, peut et doit être approprié par les institutions publiques comme garde fou pour les jeunes générations face à la saturation de ressources et connaissances existantes en ligne. Notamment grâce à une architecture in-game empêchant l’attention des joueurs de voguer au gré des liens de redirections et de l’infinité du web. Il est donc plus que temps que les jeux contribuent activement à améliorer l’éducation et se réapproprient leur place en tant que vecteur du savoir et de l’épanouissement, à l’instar des comics books hués par la société américaine dans les années 50.

C’est d’ailleurs la conviction que le jeu vidéo est nécessaire à l’épanouissement de l’individu qui nous a conduit chez Pleio à concevoir une expérience de cloud gaming unique, à la fois responsable de par son contenu éditorial de jeux, mais aussi par sa structure intrinsèque en mettant à votre disposition tous les outils nécessaires pour que le jeu vidéo soit pratiqué dans les meilleures conditions possibles 🙂 .

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