Souvent fantasmée ou idéalisée, la place qu’occupe la femme dans le jeu vidéo est loin des clichés complaisants qui ont longtemps existé dans l’imaginaire collectif.
La demoiselle en détresse
Et oui il faut bien commencer par les poncifs du genre, mais il fut un temps où les premières apparitions de femmes sur consoles 8bits dans les années 80 étaient destinées à les placer dans des situations généralement peu avantageuses dans lesquelles elles étaient faites prisonnières par l’antagoniste du jeu ( coucou Bowser et Ganon ). Si les personnages qu’on incarnait pour aller secourir ces gentes dames étaient plutôt bien décrits via leurs attitudes débonnaires/juvéniles comme Kid Icarus, Mario ou Link, il était assez rare qu’on s’intéresse à la psyché de ces ultimes rééditions d’Hélène de Troie en 8bits, dont le temps d’apparition n’excédait en général pas les trois lignes de dialogues après les avoir secourues.
La princesse Peach, adepte du syndrome de Stockholm depuis 1983
Peach est la personnification de cette exagération à outrance du concept de la demoiselle en détresse. Cela dit-il est nécessaire de placer les choses dans leurs contextes. à l’époque, les processeurs des consoles les limitaient dans les espaces de stockage et les personnages secondaires ne bénéficiaient que très rarement d’un traitement approfondi. Cela étant, cette ficelle scénaristique empruntée à bien des œuvres de fiction livresques ou cinématographique n’a pas fait long feu.
…ou pas.
Puisque comme nous l’avons énoncé plus haut, il ne s’agit que d’un cliché, qui donc ne renvoi pas réellement à la réalité d’une époque. Si le cinéma dit Reaganien a souvent été taxé de misogyne et d’hymne décomplexé à l’ultra-virilisme, il ne faut pas oublier qu’à partir des années 70 les personnages féminins forts ont vu le jour, qu’il s’agisse de Leia Organa, Sarah Connor, Ellen Ripley ou de Clarice Starling pour ne citer qu’elles. Mais alors qu’en est il du jeu vidéo ?
La fossoyeuse de Terminators
Si des contraintes d’ordre technique empêchaient bel et bien les développeurs de l’époque de fournir un background riche à leurs personnages ( indépendamment de leur genre ) les personnages féminins n’ont pas été laissés en reste puisque ces dernières bénéficiaient d’un character design les rendant instantanément iconiques. On peut notamment penser aux rubans bleus de Chun Li dans Street Fighter, au bandana rouge de Blaze dans Street of Rage ou encore l’armure Iconique de Samus Aran dans le légendaire Metroid. Ces femmes se suffisent à elles mêmes, n’ayant besoin que de leur intellect ou de leur force physique pour venir à bout des situations épineuses. Comme quoi le cas Peach ne fait pas office de loi 🙂
Le cas Lara Croft
Nous ne pouvions pas éluder ce sujet cela va sans dire ^^ Sorti en 1996 et édité par Eidos, le jeu culte Tomb Raider met en scène Lara Croft, jeune archéologue aventurière qui parcours les lieux les plus énigmatiques du globe à la recherche d’artefacts mystérieux ou de la preuve de l’existence de légendes mythologiques.
Tomb Raider, Crystal Dynamics – Square Enix 2013
Si l’inspiration évidente du personnage ne laisse aucun doute quant à son homologue cinématographique ( le chapeau, le lasso, « sa place est dans un musée », tout ça… ) l’apparence physique de la protagoniste avait fait jaser la presse de l’époque qui y voyait là une énième représentation dégradante de la femme dans un média s’adressant ( à l’époque ) à un public résolument jeune. « Bimbo », « Personnage vulgaire » sont autant de sobriquets qui avaient été utilisés pour désigner le personnage fictif imaginé par les équipes de Core Design. Pourtant, quiconque ayant déjà joué à un Tomb Raider portera un regard drastiquement opposé sur la protagoniste aux deux pistolets : Lara est débrouillarde, instruite, extrêmement résiliente et se moque complètement de son apparence physique. Malgré sa grande fortune, elle ne se repose pas dessus et cherche à faire ses preuves, elle dont la condition d’orpheline l’a toujours poussée à trouver sa place dans ce monde. Dans les premiers jeux Lara était donc sexualisée en apparence, mais complètement désexualisée en tant que protagoniste. Le personnage n’a d’ailleurs que très rarement dévié de ce mantra, puisque les dernières itérations de Lara sont encore plus terre à terre et en aucun cas ne mettent en avant la sexualité du personnage.
à ce niveau il est important de souligner qu’au milieu des années 90 les personnages de jeu vidéo – en général – faisaient l’objet d’un nouveau traitement plus mature et visant un public adolescent ou jeune adulte. Vinrent alors les Solid Snake, Hitman, Duke Nukem et…Lara Croft. Internet étant encore peu démocratisé, l’argument de vente marketing principal se retrouvait souvent résumé à la jaquette du jeu, il était donc important que le personnage mis à l’affiche reprenne les codes des posters de films de l’époque, au risque de résumé le jeu à un cliché qui n’est en rien fidèle au contenu du jeu (Sauf pour Duke Nukem qui se vend comme un cliché ambulant assumé )
Duke Nukem, véritable ode lyrique et délicate à la testostérone
Aujourd’hui
Le débat n’a plus lieu d’exister aujourd’hui car s’il est vrai que les jeux mettant en avant des personnages masculins étaient majoritaires dans les années 90, depuis ce ratio a changé, de même que le public qui joue à ses jeux. Il est bon de rappeler qu’en France la majorité des joueurs sont en fait, des joueuses, et par conséquent ces dernières ont pu avoir le loisir de se projeter et s’identifier à plusieurs protagonistes féminins mis à l’honneur dans des jeux acclamés par le public et la critique.
De gauche à droite, Lara Croft dans Tomb Raider, Aloy dans Horizon Zero Dawn, Ellie dans The Last Of Us